EXPOSITION VIRTUELLE - ARMÉNIE 1915 

 

 

AVANT PROPOS INTRODUCTION I. LES PRÉMICES D’UN GÉNOCIDE   II. LES LOGIQUES DE LA VIOLENCE III. LA MISE EN ŒUVRE DU GÉNOCIDE IV. L’HEURE DES BILANS V. LES MASSACRES D’ARMÉNIE VUS DE PARIS

 

 

AVANT-PROPOS


Exposition Arménie 1915 Paris Cette exposition virtuelle prolonge et pérennise la grande exposition Arménie 1915 qui a été organisée à l’Hôtel-de-Ville de Paris à l’initiative de la maire de Paris Anne Hidalgo, à l’occasion de la commémoration du centenaire du génocide des Arméniens.

L’exposition s’est tenue du 29 avril au 4 juillet 2015 et a attiré près de 50 000 visiteurs. Conçue et mise en œuvre sous la direction de Raymond Kévorkian, elle a été rendue possible par la participation de la Bibliothèque Nubar de l’UGAB, qui a mis à disposition ses collections et contribué à la conception de l'exposition. Le Musée-Institut du génocide d’Erevan a également fait partie des institutions partenaires.

Arménie 1915 est la plus grande exposition réalisée à ce jour en Europe sur le génocide des Arméniens avec plus de 500 photos, documents et pièces diverses. Nous en reprenons ici le découpage et les principales entrées thématiques, avec un texte entièrement remanié.

L'exposition virtuelle évoque d'abord les structures du quotidien de la société arménienne ottomane à la fin du 19e siècle. Elle montre la radicalisation idéologique des dirigeants unionistes au pouvoir, entre 1908 et 1914, qui a mené au génocide. Elle présente ensuite la mise en œuvre du génocide avec ses grandes phases en 1915 et 1916, avant d’en dresser un bilan humain et politique à la fin de la Grande Guerre. Une dernière section est consacrée aux réactions suscitées en France par le sort des Arméniens.

 

 

 

« J’ai été pris d’anxiété quand j’ai reçu ces télégrammes concernant les Arméniens. Je n’ai pu dormir la nuit. Le cœur ne pouvait rester indifférent à cela. Mais si ce n’était pas nous, c’était eux qui allaient le faire. Naturellement, c’est nous qui avons commencé. Il s’agissait pour notre nation de la vie ou de la mort ».

Mémoires de Halil Menteşe, ministre des Affaires étrangères ottoman.

 


INTRODUCTION

À partir du 24 avril 1915, l’arrestation des élites politiques et intellectuelles arméniennes à Constantinople et dans les grandes villes de province, sur ordre du gouvernement dirigé par le Comité Union et Progrès, rend manifeste la nature et la portée du génocide qui est en train de s’accomplir. Comme on l’a observé à plusieurs reprises au cours du 20e siècle, cette violence exterminatrice exercée par un État contre une partie de sa population est déclenchée dans un contexte de guerre.

Membres éminents du comité jeune-turc en 1908

L’accession au pouvoir du Comité Union et Progrès (ittihad ve terraki) ou CUP, en juillet 1908, a suscité un immense espoir parmi les populations persécutées sous l’ancien régime où le sultan régnait en autocrate. Mais elle a aussi favorisé la quête d’un nouveau modèle, celui d’un État-nation ethniquement homogène. Aux yeux des chefs unionistes (également appelés ittihadistes, ils incarnaient la frange nationaliste de la mouvance dite « jeune-turque »), c’est la seule option envisageable pour régénérer un Empire ottoman sur la défensive. Ce projet recouvre cependant l’idée latente d’exclusion des groupes considérés comme inassimilables ou dont l’existence est perçue comme un obstacle à l’unification de l’empire et de ses habitants.

Les pertes territoriales successives, avec en point d’orgue l’humiliante défaite subie lors des guerres des Balkans (1912-1913), ont modifié les équilibres au sein du comité central unioniste, dont les membres les plus radicaux ont pris les commandes. Les campagnes de boycott suscitées par les autorités, en 1912-1913, à l’encontre des entreprises et commerces tenus par des Grecs et des Arméniens, ont balayé les dernières illusions de ces derniers et contribué à instiller au sein de l’opinion publique musulmane l’image du « traitre » grec ou arménien. Ce processus de stigmatisation, se nourrissant de l’héritage de l’ancien régime ottoman – et notamment des massacres qui ont déjà frappé les Arméniens entre 1894 et 1896 –, a préparé les esprits à la perpétration du génocide perçu comme une légitime « punition » infligée aux Grecs, aux Syriaques et aux Arméniens.