EXPOSITION VIRTUELLE - ARMÉNIE 1915 |
AVANT PROPOS | INTRODUCTION | I. LES PRÉMICES D’UN GÉNOCIDE | II. LES LOGIQUES DE LA VIOLENCE | III. LA MISE EN ŒUVRE DU GÉNOCIDE | IV. L’HEURE DES BILANS | V. LES MASSACRES D’ARMÉNIE VUS DE PARIS |
Mémoires de Halil Menteşe, ministre des Affaires étrangères ottoman. |
INTRODUCTION À partir du 24 avril 1915, l’arrestation des élites politiques et intellectuelles arméniennes à Constantinople et dans les grandes villes de province, sur ordre du gouvernement dirigé par le Comité Union et Progrès, rend manifeste la nature et la portée du génocide qui est en train de s’accomplir. Comme on l’a observé à plusieurs reprises au cours du 20e siècle, cette violence exterminatrice exercée par un État contre une partie de sa population est déclenchée dans un contexte de guerre. L’accession au pouvoir du Comité Union et Progrès (ittihad ve terraki) ou CUP, en juillet 1908, a suscité un immense espoir parmi les populations persécutées sous l’ancien régime où le sultan régnait en autocrate. Mais elle a aussi favorisé la quête d’un nouveau modèle, celui d’un État-nation ethniquement homogène. Aux yeux des chefs unionistes (également appelés ittihadistes, ils incarnaient la frange nationaliste de la mouvance dite « jeune-turque »), c’est la seule option envisageable pour régénérer un Empire ottoman sur la défensive. Ce projet recouvre cependant l’idée latente d’exclusion des groupes considérés comme inassimilables ou dont l’existence est perçue comme un obstacle à l’unification de l’empire et de ses habitants. Les pertes territoriales successives, avec en point d’orgue l’humiliante défaite subie lors des guerres des Balkans (1912-1913), ont modifié les équilibres au sein du comité central unioniste, dont les membres les plus radicaux ont pris les commandes. Les campagnes de boycott suscitées par les autorités, en 1912-1913, à l’encontre des entreprises et commerces tenus par des Grecs et des Arméniens, ont balayé les dernières illusions de ces derniers et contribué à instiller au sein de l’opinion publique musulmane l’image du « traitre » grec ou arménien. Ce processus de stigmatisation, se nourrissant de l’héritage de l’ancien régime ottoman – et notamment des massacres qui ont déjà frappé les Arméniens entre 1894 et 1896 –, a préparé les esprits à la perpétration du génocide perçu comme une légitime « punition » infligée aux Grecs, aux Syriaques et aux Arméniens. |