AVANT PROPOS | INTRODUCTION | I. LES PRÉMICES D’UN GÉNOCIDE | II. LES LOGIQUES DE LA VIOLENCE | III. LA MISE EN ŒUVRE DU GÉNOCIDE | IV. L’HEURE DES BILANS | V. LES MASSACRES D’ARMÉNIE VUS DE PARIS |
IV. L'HEURE DES BILANS AU LENDEMAIN DE LA GRANDE GUERRE |
1. LES RESCAPÉS DU GÉNOCIDE À L'ÉPREUVE DE LA PAIX Les rescapés recensés à la fin de la guerre peuvent être classés en deux catégories principales :
> plusieurs milliers d’enfants et de jeunes filles enlevés par des tribus bédouines, qui ont été récupérés après l’armistice d’octobre 1918 ;
> plus de cent mille déportés, surtout originaires de Cilicie, que les forces britanniques découvrent, dans un état indescriptible lors de leur lente conquête de la Palestine et de la Syrie, à partir de la fin de l’année 1917 et en 1918.
On recense par ailleurs plusieurs dizaines de milliers de rescapés au Caucase et en Perse. |
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Déportés arméniens regroupés dans la caserne ottomane d’Alep après le départ des troupes turques, en 1918 (coll. Bibliothèque Nubar).
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Cour de la caserne ottomane d’Alep, transformée en centre d’accueil pour les rescapés rapatriés de leurs lieux de déportation, fin 1918 (coll. Bibliothèque Nubar).
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Dans la cour intérieure de l’orphelinat d’Alep : Nora Altounian assise sur un sac de céréales ; à sa droite, le pasteur Aharon Chiradjian, probablement en 1919 (coll. Bibliothèque Nubar).
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Déportés arméniens découverts parmi les tribus bédouines du désert syrien, automne 1918 (coll. Bibliothèque Nubar).
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Rescapés arméniens regroupés à Deraa pour recevoir une aide alimentaire, 25 novembre 1918 (coll. Bibliothèque Nubar).
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Orphelins arméniens recueillis à Salt et amenés à Jérusalem, début 1918 (coll. Bibliothèque Nubar).
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Bakouba, près de Bagdad, 1919 : le marché du camp de réfugiés assyriens et arméniens (coll. Bibliothèque Nubar).
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Vue du camp de réfugiés de Bakouba en 1919 (coll. Bibliothèque Nubar).
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Déportés arméniens de Mossoul en marche pour Bagdad en 1919 (coll. Bibliothèque Nubar).
Deux Arméniens retrouvés dans une tribu arabe à Mossoul en 1925. Il s’agit de Hagop Gaderdjian (à gauche), originaire d’Ayntab, et de Melkon, qui ne se souvient pas de son lieu d’origine (coll. Bibliothèque Nubar).
Réfugiés arméniens de Bakouba transférés à l’automne 1920 à Nahr el-Omar, près de Bassorah, sur la rive droite du Chatt-el-Arab (coll. Bibliothèque Nubar).
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Réfugiés de Bakouba arrivé à Nar el-Omar, en 1920 (coll. Bibliothèque Nubar).
Rescapés arméniens recueillis dans les déserts syriens (coll. Bibliothèque Nubar).
Sétrag Saghdjeyan, 15 ans, originaire de Hadjın, le 9 septembre 1919. Seul survivant de sa famille, il vécut comme berger dans les environs d’Alep et de Homs jusqu’en 1919 avant de rentrer à Hadjın (coll. Bibliothèque Nubar).
Les 850 enfants de l’orphelinat de Bakouba administré par le Vorphakhenam, le comité de secours au orphelins mis sur pied par le Patriarcat arménien de Constantinople en 1919 (coll. Bibliothèque Nubar).
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Déportés arméniens retrouvés à Suruç, près d’Urfa (coll. Bibliothèque Nubar).
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Départ pour Adana des rescapés arméniens des camps de Syrie en 1919 (coll. Bibliothèque Nubar).
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Nombre d’Arméniens rapatriés dans leurs foyers (c. février 1919) d’après les chiffres du bureau d’information du Patriarcat arménien de Constantinople |
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Localités | Rapatriés |
Constantinople | 470 |
Edirne | 2 355 |
Erzerum | 3 193 |
Adana | 45 075 |
Angora | 1 735 |
Aydın | 132 |
Bitlis | 762 |
Bursa | 13 855 |
Diyarbekir | 195 |
Sıvas | 2 897 |
Trébizonde | 2 103 |
Kastamonu | 0 |
Konya | 10 012 |
Mamuret ul-Aziz | 1 992 |
Van | 732 |
Eskişehir | 216 |
Erzincan | 7 |
Urfa | 394 |
Içil | 0 |
Izmit | 13 672 |
Bolu | 0 |
Teke | 0 |
Canik | 801 |
Çatalca | 0 |
Ayntab | 430 |
Karahisar | 298 |
Dardanelles | 222 |
Karasi | 899 |
Kayseri | 47 |
Kütahya | 721 |
Menteşe | 0 |
Niğde | 0 |
Total | 103 215 |
Chronologie de la situation d’après-guerre • 1917 : Prises de Bagdad (mars) et de Jérusalem (décembre) par les forces britanniques. Découverte de nombreux enfants arméniens abandonnés. Début du recueil des orphelins et fondation des premiers orphelinats. • 31 octobre 1918 : signature de l’armistice de Moudros. La Syrie et la Cilicie sont occupées par les forces alliées. Les gouvernements et les opinions publiques d’Europe peuvent mesurer l’ampleur de la destruction des Arméniens ottomans. • Janvier 1919 : création du Service central des rapatriements arméniens et début du transfert des déportés regroupés dans les camps d’Alep, Beyrouth et Damas vers la Cilicie. La France prend en charge les frais de l’opération. • 1er février 1919 : Installation d’une administration française en Cilicie, siégeant à Adana. • Février 1919 : ouverture à Alep du premier refuge destiné aux femmes arméniennes rescapées et abandonnées. • 20 octobre 1921 : conclusion de l’accord franco-turc d’Ankara, cédant la Cilicie à la Turquie. Début de l’exode massif des Arméniens de Cilicie vers la Syrie et le Liban. • Décembre 1921-janvier 1922 : installation de camps de réfugiés à Beyrouth, Alexandrette, Alep et Damas. • Mars-septembre 1922 : évacuation vers la Syrie et le Liban de 10 017 orphelins arméniens se trouvant sous la protection du Near East Relief dans les provinces orientales de Turquie. Un réseau d’orphelinats administrés par des organisations arméniennes et occidentales est établi en Syrie et au Liban. • 23 juillet 1923 : signature du traité de Lausanne, qui met fin aux espoirs arméniens d’un possible regroupement des rescapés dans un foyer national. |
2. RECUEILLIR ET RÉHABILITER : UNE PRIORITÉ Dès l’entrée des troupes britanniques en territoire ottoman, les Arméniens s’efforcent de regrouper les femmes et les enfants abandonnés et de les établir dans des maisons d’accueil. Ce sont les premières initiatives d’envergure menées dans les provinces arabes de l’Empire ottoman en faveur du regroupement d’enfants rescapés du génocide et de leur accueil dans des orphelinats. Dès lors, ces opérations humanitaires destinées à prendre en charge les orphelins, les femmes et les enfants enlevés au sein de familles turques, kurdes ou bédouines, s’inscrivent parmi les actions prioritaires des organisations et des institutions arméniennes et occidentales engagées dans le secours et l’assistance aux rescapés du génocide. |
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Ce groupe de volontaires, formé de déserteurs arméniens de la IVème armée ottomane et dirigé par Levon Yotneghperian, avait pour mission de récupérer les femmes et les enfants arméniens enlevés ou vendus à des tribus bédouines (coll. Bibliothèque Nubar).
Membres du groupe de recherche formé par Levon Yotneghperian, en compagnie d’enfants retrouvés dans le désert. Au troisième rang, de gauche à droite : Y. Kerechekian, G. Kavadjian, L. Yotneghperian, H. Kavadjian. Damas, 1er juillet 1919 (coll. Bibliothèqu
Tavit Atamian, délégué de l’UGAB en Cilicie, avec six enfants retrouvés dans le désert syrien, en partance pour l’orphelinat arménien de Dörtyol en 1919 (coll. Bibliothèque Nubar).
Orphelins arméniens recueillis à Salt et emmenés à Jérusalem, début 1918 (coll. Bibliothèque Nubar).
Le monastère des Saints-Jacques, siège du Patriarcat arménien de Jérusalem, qui a accueilli de nombreux orphelins dans les années 1920 (coll. Bibliothèque Nubar).
Jérusalem, enfants recueillis à l’orphelinat Araradian de l’UGAB, établi dans l’enceinte du Patriarcat arménien (coll. Bibliothèque Nubar).
Orphelins recueillis à Jérusalem et ses environs et regroupés dans le monastère arménien des Saints-Jacques, à Jérusalem, en 1918. Au centre, Victoria Archarouni, la directrice de cet orphelinat qui a été transféré à Port-Saïd (coll. Bibliothèque Nubar).
Fiche d’identité de Tavit Hayriguian, pensionnaire à l’orphelinat Araradian de Jérusalem depuis le 10 février 1922, âgé de 9 ans, fils de Daniel et Mariam, originaires de Siirt [Seghert], déportés à Mossoul et décédés (coll. Bibliothèque Nubar).
Le réfectoire de l’orphelinat du Near East Relief, basé à Antelias, près de Beyrouth. L’établissement deviendra en 1929 le siège du catholicossat de la Grande Maison de Cilicie (coll. Bibliothèque Nubar).
Les 18 000 orphelins d’Alexandropol (l’actuelle Gumri), entretenus par le Near East Relief (coll. Bibliothèque Nubar).
Alep, 24 avril 1919 : première journée de commémoration à la mémoire des victimes du génocide (coll. Bibliothèque Nubar).
Orphelin arménien (coll. Bibliothèque Nubar).
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Levon Yotneghperian en compagnie de jeunes femmes et enfants arméniens recueillis dans le désert : Damas, 12 juillet 1919 (coll. Bibliothèque Nubar).
La présence des Arméniens ottomans à la veille de la signature du traité de Sèvres d’après les chiffres du bureau d’information du Patriarcat arménien de Constantinople |
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Localité, province (vilayet) ou district (sandjak) | Nombre d’Arméniens comptabilisés |
Constantinople | 150 000 |
Vilayet d’Edirne | 6 000 |
Mutesarifat d’Izmit | 20 000 |
Vilayet de Bursa | 11 000 |
Sandjak de Bilecik | 4 500 |
Sandjak de Karasi | 5 000 |
Sandjak d’Afyonkarahisar | 7 000 |
Vilayet d’Aydın | 10 000 |
Vilayet de Kastamonu et Bolu | 8 000 |
Sandjak de Kirşehir | 2 500 |
Sandjak de Yozgat | 3 000 |
Sandjak d’Angora | 4 000 |
Vilayet de Konya | 10 000 |
Sandjak de Sıvas | 12 000 |
Sandjak de Tokat | 1 800 |
Sandjak d’Amasia | 3 000 |
Sandjak de şabinkarahisar | 1 000 |
Sandjak de Trébizonde | 0 |
Sandjak de Lazistan | 10 000 |
Sandjak de Gümüşhane | 0 |
Sandjak de Canik | 5 000 |
Vilayet d’Erzerum | 1 500 |
Van (la ville uniquement) | 500 |
Vilayet de Bitlis | 0 |
Vilayet de Dyarbekir | 3 000 |
Sandjak de Harpout [Kharpert] | 30 000 |
Sandjak de Malatia | 2 000 |
Sandjak de Dersim | 3 000 |
Vilayet d’Adana | 150 000 |
Sandjak d’Alep | 5 000 |
Sandjak d’Ayntab | 52 000 |
Sandjak d’Urfa | 9 000 |
Sandjak de Marache | 10 000 |
Jérusalem | 2 000 |
Damas | 400 |
Beyrouth | 1 000 |
Hauran | 400 |
Total | 543 600 |
3. PUNIR LES BOURREAUX : UNE TÂCHE INACHEVÉE Au lendemain de l’Armistice de Moudros (31 octobre 1918), alors que les principaux chefs unionistes se sont enfuis en Allemagne, une commission d’enquête est instaurée au sein du Bureau de la Sûreté générale, par décret impérial du 21 novembre 1918, puis des cours martiales chargées de juger les criminels jeunes-turcs. Le procès principal, visant les responsables directs du génocide, les membres du conseil des ministres et du comité central du Comité Union et Progrès, débute le 27 avril 1919 devant la cour martiale extraordinaire d’Istanbul. Cette procédure aurait dû réunir les vingt-trois titulaires du comité central du CUP et de son bureau politique, mais douze d’entre eux – notamment Mehmed Talât, İsmail Enver, Ahmed Cemal, les docteurs Bahaeddin Şakir et Nâzım – sont en fuite à l’étranger. Lorsque le « procès des unionistes » s’ouvre, seuls des responsables de second rang sont présents : Halil [Menteşe], Midhat Şükrü, Ziya Gökalp, Kara Kemal, Yusuf Rıza, Said Halim (l’ancien grand vizir), etc. En définitive, les dizaines de procès qui ont lieu aboutissent à la condamnation à mort et à la pendaison de seulement trois exécutants, les principaux responsables étant condamnés à mort par contumace. Les dispositions prises par les gouvernements britannique et français pour faire traduire ces criminels devant un « haut tribunal » international s’avèrent infructueuses. Des militants arméniens se chargent alors d’appliquer les sentences et de se substituer à une justice défaillante : dans le cadre de l’opération secrète Némésis, ils traquent et assassinent les anciens dirigeants unionistes en fuite à l’étranger. Le cas le plus emblématique concerne Mehmed Talât, le grand ordonnateur des violences de masse, assassiné à Berlin par Soghomon Tehlirian le 15 mars 1921. |
4. L'EXPÉRIENCE D'AURORA MARDIGANIAN ET SA MÉDIATISATION le film Ravished Armenia, inspiré de son histoire, produit à Hollywood en 1919
Née en 1901 à Tchemichguezek (Çemişgezek), dans le nord du vilayet de Kharpert/Mamuret ul-Aziz, Aurora Mardiganian a connu le sort commun aux populations arméniennes déportées. Elle était dans un des convois qui est passé par le plus grand camp de transit et site-abattoir, situé à une dizaine de kilomètres au sud de Malatya, dans la plaine de Fırıncılar, porte d’entrée des gorges de Kahta où des escadrons de l’Organisation spéciale ont commis, au cours de l’été 1915, des crimes indescriptibles. La suite de sa douloureuse odyssée a été mise en scène dans un film tourné à Hollywood en 1919. Au lendemain de la Grande Guerre, les Arméniens établis en Californie ont choisi Aurora comme héroïne du film qui raconte sa propre histoire et qui était destiné à alerter le grand public sur les crimes commis contre les Arméniens dans l’Empire ottoman. Aurora Mardiganian a également publié son histoire, traduite dans plusieurs langues, qui a servi de base de travail au scénariste de ce film. Installée en Californie, où elle a fondé une famille, elle s’est éteinte en 1994.
À défaut de pouvoir présenter une version originale du film non modifiée et libre de droits, nous vous renvoyons simplement à l'aide du lien suivant vers l'une des versions disponibles sur le Net.
https://www.youtube.com/watch?v=uTnCaW-Uo_s
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