AVANT PROPOS | INTRODUCTION | I. LES PRÉMICES D’UN GÉNOCIDE | II. LES LOGIQUES DE LA VIOLENCE | III. LA MISE EN ŒUVRE DU GÉNOCIDE | IV. L’HEURE DES BILANS | V. LES MASSACRES D’ARMÉNIE VUS DE PARIS |
II. LES LOGIQUES DE LA VIOLENCE |
1. LA MONTÉE EN PUISSANCE DU COMITÉ UNION ET PROGRÈS Idéologie et réseaux d'influence du pouvoir jeune-turc De 1908 à 1918, l’Empire ottoman a été dirigé, presque sans discontinuité, par le Comité Union et Progrès, un parti entièrement contrôlé par un comité central de neuf membres, constituant un pouvoir occulte. En dépit des espoirs qu’ils avaient suscité en accédant au pouvoir, faisant miroiter l’établissement d’une égalité réelle au sein de l’Empire ottoman entre les groupes dominants musulmans et les groupes dominés chrétiens et juifs, les principaux responsables du CUP étaient très largement imprégnés d’une idéologie darwiniste sociale d’inspiration européenne. À leurs yeux, le CUP au pouvoir avait pour mission de régénérer la « race turque », de lui faire retrouver les vertus des ancêtres. Majoritairement formé d’officiers et de membres issus des marges de l’empire, principalement des Balkans et du Caucase, le CUP a assis son pouvoir en développant un réseau de clubs locaux, et en remplaçant progressivement les cadres de l’armée et de l’administration par des militants du parti. Parallèlement, le CUP a tissé des liens étroits dans les provinces avec les notables locaux, les cadres religieux et les chefs tribaux. Toutes ces ramifications favorables à son influence sur le terrain se sont avérées plus tard de redoutables leviers d’action au moment de la mise en œuvre du génocide.
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CUP Ahmed Riza, Mohamed Ali pacha Fadil, etc., membres éminents du comité central jeune-turc au lendemain de la Révolution (coll. Michel Paboudjian). http://localhost:8888/bnulibrary/images/expos_virtuelles/armenie1915/section02/II.1-1_result.jpg Constantinople, août 1908 (coll. Michel Paboudjian). http://localhost:8888/bnulibrary/images/expos_virtuelles/armenie1915/section02/II.1-2_result.jpg Constantinople, 1908, rue de Péra, foule arménienne devant l’entrée de Galatasaray (coll. Michel Paboudjian). http://localhost:8888/bnulibrary/images/expos_virtuelles/armenie1915/section02/II.1-3_result.jpg Constantinople, 1908 : rue de l’église arménienne décorée pour l’ouverture du parlement ottoman (photographie parue dans Le Monde illustré du 26 décembre 1908). http://localhost:8888/bnulibrary/images/expos_virtuelles/armenie1915/section02/II.1-4_result.jpg Constantinople, 17 décembre 1908 : séance inaugurale du Parlement ottoman (coll. Michel Paboudjian). http://localhost:8888/bnulibrary/images/expos_virtuelles/armenie1915/section02/II.1-5_result.jpg
Guerres balkaniques et crise intérieure Entre la révolution jeune-turque de 1908 et le coup d’État du 25 janvier 1913, qui instaure un régime de parti unique, laissant les mains libres au Comité Union et Progrès, les crises internes et externes se sont multipliées et ont contribué à la radicalisation de ses dirigeants. À la suite des guerres des Balkans de 1912 et 1913, qui ont vu la coalition balkanique infliger une humiliante défaite aux forces ottomanes et amputer l’empire de la quasi-totalité de ses derniers territoires européens, les éléments les plus radicaux prennent le pouvoir au sein du CUP.
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2. LE PROJET DE RÉFORME EN ARMÉNIE : UNE DERNIÈRE CHANCE DE COHABITATION Spoliation et insécurité permanente L’arrivée au pouvoir des jeunes-turcs a été perçue comme un progrès et l’occasion de mettre en œuvre des réformes susceptibles d’améliorer la sécurité des populations arméniennes des provinces orientales. Après quatre ans de vains efforts, alors que les provinces orientales se vidaient de leur population, du fait de l’émigration massive engendrée par l’insécurité et la misère, les instances arméniennes ont décidé, en octobre 1912, d’internationaliser la question des réformes. Le catholicossat d’Etchmiadzine, le Patriarcat arménien de Constantinople, les partis politiques et quelques personnalités s’engagent alors dans des négociations.
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hommes politiques arméniens Gabriel Noradounghian (1852-1936), haut-fonctionnaire, ministre des Affaires étrangères de l’Empire ottoman de juillet 1912 à janvier 1913 (coll. Bibliothèque Nubar). http://localhost:8888/bnulibrary/images/expos_virtuelles/armenie1915/section02/II.2-1_result.jpg Krikor Zohrab (1861-1915), photographié en 1913. Député au parlement ottoman, avocat, écrivain, il fut la cheville ouvrière des négociations menées avec les ambassades des grandes puissances en faveur des réformes en Arménie (coll. Bibliothèque Nubar).). http://localhost:8888/bnulibrary/images/expos_virtuelles/armenie1915/section02/II. 2-2_result.jpg Boghos Nubar Pacha (1851-1930), fils de l’ancien premier ministre d’Égypte Nubar Pacha, président de la Délégation nationale arménienne (coll. Bibliothèque Nubar). http://localhost:8888/bnulibrary/images/expos_virtuelles/armenie1915/section02/II.2-3_result.jpg Kévork V Tiflisétsi (1847-1930), catholicos d’Etchmiadzine, l’un des initiateurs du projet de réforme dans les provinces arméniennes ottomanes (coll. Bibliothèque Nubar). http://localhost:8888/bnulibrary/images/expos_virtuelles/armenie1915/section02/II.2-4_result.jpg Zaven Yéghiayan (1868-1947), patriarche des Arméniens de Constantinople de 1913 à 1922 (coll. Bibliothèque Nubar). http://localhost:8888/bnulibrary/images/expos_virtuelles/armenie1915/section02/II.2-5_result.jpg Hampartsoum Boyadjian (1867-1915), député du parti hentchag au Parlement ottoman et à la Chambre arménienne (coll. Bibliothèque Nubar). http://localhost:8888/bnulibrary/images/expos_virtuelles/armenie1915/section02/II.2-6_result.jpg Vartkès (Hovhannès Séringiulian), 1871-1915, député tachnag au Parlement ottoman et à la Chambre arménienne (coll. Bibliothèque Nubar). http://localhost:8888/bnulibrary/images/expos_virtuelles/armenie1915/section02/II.2-9_result.jpg Simon Zavarian, 1865-1913, agronome, membre fondateur de la fédération révolutionnaire arménienne ou parti tachnag (coll. Bibliothèque Nubar). http://localhost:8888/bnulibrary/images/expos_virtuelles/armenie1915/section02/II.2-7_result.jpg
Le plan de réformes Le 25 décembre 1913, Russes et Allemands remirent officiellement un projet de réformes au gouvernement ottoman. Le plan prévoyait l’unification des six vilayets orientaux dits « arméniens » ; la nomination d’un gouverneur chrétien, ottoman ou européen ; la nomination d’un conseil d’administration et d’une assemblée provinciale mixte, musulmane et chrétienne ; la formation d’une gendarmerie mixte ; la dissolution des régiments hamidiye créés sous le règne d’Abdülhamid II et dont l’existence avait été maintenue ; la formation d’une commission chargée d’examiner les confiscations de terres survenues au cours des dernières décennies, etc. Le 21 février 1914, la Sublime Porte finit par accepter cet accord, sans avoir pu faire supprimer la clause relative au contrôle occidental qui serait mis en place pour surveiller l’application effective des réformes dans les provinces arméniennes. Deux inspecteurs généraux, un Norvégien et un Hollandais, furent désignés mais n’eurent pas la possibilité ni le temps de prendre réellement leurs fonctions, en raison du déclenchement de la guerre.
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3. L'ENTRÉE EN GUERRE ET LA RADICALISATION DES CHEFS UNIONISTES FACE AUX ARMÉNIENS
Comme pour d’autres génocides au 20e siècle, la guerre a constitué une condition essentielle à la mise en œuvre d’une politique systématique d’extermination des Arméniens. L’Empire ottoman n’entre en guerre aux côtés des Puissances centrales qu’en octobre 1914, mais la mobilisation générale est décrétée dès le mois d’août. Elle concerne également les Arméniens âgés de 20 à 40 ans, autrement dit les « forces vives » du millet arménien, ainsi neutralisées. C’est dans ce contexte favorable, alors que les grandes puissances étaient elles-mêmes plongées dans la guerre, que les dirigeants unionistes ont accéléré la réalisation de leur projet d’homogénéisation ethnique de l’Asie Mineure en décidant de détruire les communautés arméniennes et syriaques de l’empire.
L’échec cinglant essuyé par l’armée ottomane à Sarıkamış, à la fin du mois de décembre 1914, a convaincu le comité central du CUP – Mehmed Talât, Midhat Şükrü, le docteur Nâzım, Kara Kemal, Yusuf Rıza, Ziya Gökalp, Eyub Sabri [Akgöl], le docteur Rüsûhi, le docteur Bahaeddin Şakir et Halil [Menteşe] – de compenser ces revers par une politique intérieure radicale à l’égard des Arméniens
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entree en guerre Mobilisation générale, parade des troupes ottomanes, automne 1914 (coll. Pères mekhitaristes de Venise). http://localhost:8888/bnulibrary/images/expos_virtuelles/armenie1915/section02/2_result.jpg Constantinople, 14 novembre 1914 : déclaration du djihad par le cheikh ul-Islam [şeyhülislam], en présence des dirigeants jeunes-turcs (coll. Bibliothèque Nubar) http://localhost:8888/bnulibrary/images/expos_virtuelles/armenie1915/section02/4_result.jpg Manifestation des corporations à Constantinople, le 14 novembre 1914, à l’occasion de l’appel à la guerre sainte (coll. Pères mekhitaristes de Venise). http://localhost:8888/bnulibrary/images/expos_virtuelles/armenie1915/section02/5_result.jpg Erzerum, août 1914 : huitième congrès du parti tachnag, où le CUP tenta en vain d'obtenir l'appui de la FRA contre les Russes (coll. Bibliothèque Nubar). http://localhost:8888/bnulibrary/images/expos_virtuelles/armenie1915/section02/7_result.jpg Manifestation patriotique à l’occasion de l’appel à la guerre sainte (photographie de Victor Forbin, archives du Foreign Office, Kew). http://localhost:8888/bnulibrary/images/expos_virtuelles/armenie1915/section02/6_result.jpg Officiers turcs et allemands sur le front de Palestine. Quelque 18 000 militaires allemands, en majorité des officiers, appuyaient et conseillaient les forces ottomanes sur le front d’Orient (coll. Pères mekhitaristes de Venise). http://localhost:8888/bnulibrary/images/expos_virtuelles/armenie1915/section02/8_result.jpg Le ministre de la Guerre, Enver pacha, sur le chantier du Bagdadbahn à Bozanti en compagnie d’officiers allemands (coll. Bibliothèque Nubar). http://localhost:8888/bnulibrary/images/expos_virtuelles/armenie1915/section02/9_result.jpg Constantinople, 1916 : réception de l’empereur d’Allemagne Guillaume II. De gauche à droite : Enver, le cheikh ul-Islam, Abbas Hilmi Pacha, Talât et le sultan Mehmed V (coll. Michel Paboudjian). http://localhost:8888/bnulibrary/images/expos_virtuelles/armenie1915/section02/10_result.jpg